2006 / PRESSE


Question d'ambiance

par Benoît Herr pour Koid9

Une fois encore, les belges de ProgRésiste ont bravé l'adversité et organisé leur Convention les 14 et 15 octobre dernier, à Verviers, dans ce lieu devenu mythique appelé "Spirit of 66".

Je ne vais pas vous rejouer la grande scène du 12 dans laquelle on voit les belges, "peuple le plus brave de tous les peuples de la Gaule", réussir à réunir un public nombreux et enthousiaste là où en France on réunit péniblement quelques dizaines de personnes. Je ne vais pas vous la rejouer façon Paatos (cf. "Coup de sang", dans ce même numéro), qui aurait mérité mieux, bien mieux., comme accueil à Paris.
Non, nous allons essayer de "positiver", pour une fois, pour utiliser un terme cher à nos amis de la grande distribution carrouféenne.

Car enfin, pourquoi, année après année, continuons-nous, une poignée d'irréductibles et moi-même, à affronter les radars, la pluie, le brouillard et surtout la fatigue lorsqu'il s'agit de se rapatrier la nuit sur 400 kilomètres (voire plus) après une journée de concerts et de "dégustation de bières" ?
Mais pour l'ambiance, tout simplement, pour tout ce que ça représente et pour l'ambiance.
Je dois bien l'avouer, l'affiche de cette année ne me motivait guère. Il y avait bien les finlandais de Overhead et les israéliens de Solstice Coil, qui ont fini par emporter la décision, mais pour le reste... RPWL ? Entendus en juin au ProgSud. Mangala Vallis ? Entendus en juin au ProgSud. Et en plus—au risque de paraître iconoclaste—ce n'est pas le fait de savoir que c'est Bernardo Lanzetti qui chante qui va me motiver... je dirais même que ça agit plutôt comme repoussoir, en ce qui me concerne. Il "se la joue" trop, fait trop de simagrées, place sa voix trop en avant, voix qui ne me plait guère, au demeurant et n'est pas toujours bien placée. Je trouve qu'il dessert le groupe plus qu'il ne le promeut. Mais c'est une autre histoire. Finisterre ? Entendus l'an passé au Spirit déjà, à l'occasion d'une escale sur le retour d'un trip hollandais. Très sympa mais une resucée de Finisterre reste insuffisante pour motiver une escapade de ce genre qui, faut-il le rappeler, impacte quand même sensiblement le budget du ménage... Et ce ne sont pas les "petits" groupes belges inaugurant chacune des journées qui vont me motiver, d'autant qu'ils sont inconnus au bataillon.
Restent Overhead, groupe finlandais dont j'avais l'heur de connaître l'excellent premier album et Solstice Coil, pour l'album de qui j'avais eu un coup de coeur (cf. chronique de "A prescription for paper cuts" dans Koid9 #58).
OK, bon...
Qu'est-ce qu'on fait, on y va ?
Moui... bof...
Et puis, ah oui, au fait : j'oubliais : les "Seven Reizh", c'est-à-dire Claude Mignon (compositeur, guitariste, claviériste, narrateur et autres), Gérard Le Dortz (concepteur graphique, parolier, narrateur etc.), Farid Aït Siameur (chanteur), Thierry Chassang (ingénieur son) et quelques autres musiciens intervenant sur cette fresque aussi gigantesque que réalisée avec soin, minutie et perfectionnisme, auront fait le voyage de Bretagne pour lancer leur nouvel album, "Samsara". Curieux, d'ailleurs, d'aller lancer officiellement un livre-album-événement comme ça chez les belges quand on est breton... c'est bien que ça doit être symbolique de quelque chose, non, le Spirit ? En tout cas, voilà une motivation de plus pour entreprendre le voyage.
Faut-il le rappeler, la Convention, c'est aussi l'occasion de revoir les amis, Piero Romainville, Gilles "Dr Prog" Arend, Alain Quaniers, Fred Delmotte, Denis Petit, Jean-Marc Roussel et tous les autres de ProgRésiste, mais aussi tous ceux qui font traditionnellement le voyage depuis la France, comme Luc, Thierry, Bernard, Dominique et d'autres ou même la Suisse, comme Claude Wacker, dont les clichés illustrent le présent article, et d'autres encore (qui voudront bien m'excuser si je le les cite pas). Impossible de faire trois pas sans rencontrer une connaissance, dans ce Spirit sinon bondé au moins bien plein.
Enfin, il y a les a-côtés, comme la petite virée à Aix-la-Chapelle pour déguster un bretzel et une bière allemande à l'apéro le dimanche ou celle à Spa Francorchamp sur le circuit, le réveil au milieu de la campagne belge qui s'anime, pour un petit footing matinal et bien d'autres choses encore.
Allez, c'est décidé, on y va.

En plus, sur les deux jours, les représentants du groupe Seven Reizh sont venus lancer officiellement Samsara, leur nouvel album, projection de vidéos à l'appui.

Résultat
L'une des motivations à la participation à un tel festival, qui n'a pas encore été évoquée, c'est la découverte de nouveaux groupes tout comme la découverte des prestations scéniques de ceux que l'on connaît déjà. Il n'est pas rare que les surprises soient au rendez-vous, dans ce domaine.
J'en citerais deux dans le cadre de cette convention 2006.
Tout d'abord, Solstice Coil, qui a donc largement participé à motiver mon déplacement et qui a été une grande déception, je dois l'avouer. Autant j'avais apprécié leur musique complexe, torturée, émotionnelle, aux inspirations multiples, depuis la musique classique jusqu'à King Crimson ou VdGG en passant par Muse et Radiohead, sur "A prescription for paper cuts", autant leur prestation à Verviers était "hors sujet". Non pas que c'était mauvais, mais décalé, tout simplement. Il manquait cette magie, cette communion avec le public, cette osmose... le chanteur, Shir Deutch, en fait trop, lui aussi, sa voix n'est pas toujours très agréable et leur musique ne "passe" pas sur scène.
Autre surprise : le "petit" groupe belge Quantum Fantay. Et positive, celle-ci, bien sûr (j'avais bien dit que je positiverais...). En grand fan d'Ozric Tentacles, il ne pouvait pas en être autrement d'ailleurs... vous l'aurez compris, ces flamants distillent un space-rock instrumental très inspiré par les anglais de la bande à Ed Wynne. Oh bien sûr, ils sont jeunes et manquent encore un peu de maturité dans le propos musical et ne sont pas—pas encore—au niveau de leurs aînés finlandais de Hidria Spacefolk, par exemple , mais c'est globalement bien fait, agréable, parfois original. Quand on entre au Spirit après un déjeuner à la Chimay bleue pour entendre leur musique, c'est pour le moins fort sympathique. Une belle découverte. Bravo à Pete Mush et à toute son équipe.
Pour le reste, rien de vraiment inattendu, on s'en doute. Overhead m'a fait une forte impression sur scène, autant que sur disque. Confirmation, donc. La présence scénique de leur frontman, Alex Keskitalo, est très forte. Sa voix chaude et un peu rocailleuse est également puissante et les instrumentistes, tous d'un excellent niveau, ont conclu le set sur une interprétation de "21st Century Schizoid Man" de qui vous savez très personnelle mais néanmoins superbe. Seule ombre au tableau, un son réglé un peu fort. Ce fut d'ailleurs le cas tout au long de la Convention... notre ami Francis Géron, hôte des lieux, pour excellent ingénieur du son qu'il soit, doit commencer à avoir des problèmes d'audition, à force. Je ne vois guère d'autre hypothèse.
L'émotion et l'osmose avec le public que l'on attendait de Soltice Coil, c'est RPWL qui l'a engendrée, pour un final émouvant, avec un bassiste absolument extraordinaire et aussi des versions de "Opel" et de "Biding my time", de qui vous savez aussi, vraiment fantastiques.

Et bien voilà, encore un weekend que les "boches n'auront pas", tiens, comme on dit par chez moi, bien que l'expression se perde un peu depuis que l'on fait vraiment l'Europe avec eux notamment, les "boches" en question... ah oui, encore un truc qui a changé pour le mieux : terminés les Francs belges, les Deutsch Mark et autres Florins : dans cette région du Limbourg où l'on passe les frontières plus souvent que les plats, plus besoin de s'emm... avec quinze monnaies différentes : vive l'Euro !

Et pourvu qu'on fasse encore des weekends comme ça l'an prochain et plus tard. Il semblerait que je ne sois pas le seul à avoir cette approche "globale" des weekends de Convention (et de festivals en général), centrée sur la musique bien sûr, mais où bien d'autres aspects sont présents et entrent en ligne de compte. Pour vous en convaincre, vous pouvez visiter la page http://alkozaur.com/Progresist2006/, où les membres du groupe amateur du sud-est de la France Alkosaur (qui est selon eux "l'appellation scientifique des dinosaures alcooliques") narre par le menu et en images leur escapade copieusement arrosée et largement étayée avec des côtes de boeuf et autres délices au Spirit Of 66 "Temple du Rock Progressif", disent-ils, pour ces deux soirées de concerts qu'ils qualifient d'"inoubliables".